Gisèle Pelicot « ne méritait pas ça », a dit au début d’une longue journée d’interrogatoire le septuagénaire au sujet de son ex-épouse, qu’il est accusé d’avoir droguée pour lui faire subir des viols au domicile familial de Mazan (Vaucluse) durant dix ans (2011-2020).
De retour après près d’une semaine d’absence pour raison de santé, l’accusé principal s’exprimait pour la première fois sur le fond depuis l’ouverture de ce procès emblématique des violences sexuelles et de la soumission chimique devant la cour criminelle de Vaucluse à Avignon le 2 septembre.
« Elle était merveilleuse »
Gisèle Pelicot, devenue une icône féministe pour avoir accepté que le procès soit public afin que « la honte change de camp », est restée stoïque à l’audience, avant de redire à la barre qu’elle avait eu une totale confiance dans cet homme qu’elle a « aimé pendant 50 ans ».
Gisèle Pelicot, qui a reçu le soutien de milliers de manifestants en France le week-end dernier, a elle été chaleureusement applaudie à la suspension d’audience de la mi-journée par plusieurs spectateurs, l’un deux lui offrant un bouquet de fleurs.
« Je suis coupable de ce que j’ai fait. Je prie ma femme, mes enfants, mes petits-enfants, madame M. (l’épouse d’un co-accusé que Dominique Pelicot est accusé d’avoir violée, Ndlr), de bien vouloir accepter mes excuses. Je demande pardon, même si ce n’est pas acceptable », a ensuite déclaré Dominique Pelicot, qualifiant sa propre vie « d’échec ».
« Elle était merveilleuse », a-t-il déclaré, pendant que Gisèle le fixait, ajoutant : « Je l’ai bien aimée 40 ans et mal aimée 10 ans. (…) J’ai tout gâché, j’ai tout perdu. Je dois payer ». « Il y a une face A et une face B, je ne cache rien, c’est le même homme. Sauf qu’il y (avait) une addiction. J’avais des besoins, j’ai tout mis en balance sans réflexion, comme un imbécile, comme un égoïste, et j’ai honte. »
« Tu mens »
L’après-midi, la confrontation a été tendue avec sa fille Caroline. Outre des milliers de photos et vidéos d’agressions sexuelles sur son ex-épouse, des photos de sa fille Caroline et de ses deux-belles filles, prises à leur insu et les montrant, pour certaines, nues, ont été retrouvées dans son ordinateur.
« Caroline, je ne t’ai jamais touchée, jamais droguée, jamais violée. C’est impossible », a-t-il lancé à sa fille, qui a exposé son choc après l’affaire et ses questionnements dans un livre intitulé « Et j’ai cessé de t’appeler papa ».
« Je vais gerber, là », a réagi cette dernière en sortant brièvement de la salle, énervée. Un peu plus tard, elle lui a lancé à deux reprises « tu mens », alors qu’il déclarait ne pas être l’auteur des photographies retrouvées d’elle.
L’accusé est revenu sur sa jeunesse dont il ne retient « que des chocs et traumatismes ». Il a affirmé qu’il aurait subi un viol à l’âge de neuf ans, puis, aurait été forcé, à 14 ans, de participer au viol collectif d’une jeune femme handicapée. « En aucun cas il vient dire « Plaignez-moi, j’ai subi ça, donc fatalement il faut me pardonner de ce que j’ai fait à mon épouse » », a toutefois souligné après l’audience son avocate, Béatrice Zavarro.
« Tous savaient »
Sur les dossiers de chaque viol minutieusement stockés sur son ordinateur, il a expliqué : « Il y a une part de plaisir, mais également une mesure d’assurance. Grâce à ça, on peut retrouver ceux qui ont participé à tout ça ». Certains accusés dans la salle ont alors levé les yeux, d’autres affiché des sourires crispés.
Et il a réaffirmé que les 50 hommes jugés à ses côtés, qu’il avait rencontrés par internet, connaissaient l’état d’inconscience de sa femme : « Ils ne peuvent pas dire le contraire », assurant que « tous savaient ». « Je ne les ai pas manipulés, ils sont complices », a-t-il estimé.
Certains de ces hommes âgés de 26 à 74 ans, pompier, infirmier, journaliste, etc. originaires de la région pour la plupart et pour certains en couple, nient les accusations de viols et affirment avoir pensé participer à un jeu sexuel d’un couple libertin.
« Je n’ai forcé personne à venir », a assuré l’accusé principal, expliquant que « la seule question qu’ils posaient c’était « combien c’est ? » Je leur disais qu’il n’y avait pas d’argent » en jeu.
La suite ce procès, prévu jusqu’à la mi-décembre, va justement « éclairer parfaitement (la question) de savoir si, oui ou non, ce sont des scènes de sexe ou des scènes de viol », a estimé son avocate, Me Zavarro.
La cour doit, ce mercredi, questionner à nouveau Gisèle Pelicot avant de poursuivre sur les faits reprochés à un premier groupe de quatre autres accusés.
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